L’élection du nouveau président de l’Église évangélique du Gabon pour les quatre prochaines années se tiendra, sauf imprévu, ce mois de juillet et mettra en lice selon toute vraisemblance, deux principaux candidats : le pasteur Clément Obame Mezui et  Louis Sylvain Allogo Ango. Si les délégués venus des différentes régions synodales ont le pouvoir de vote, toujours est-il que la pression des lobbies, l’omnipotence du politique et la forte odeur ésotérique qui entourent souvent ce scrutin sont les véritables artisans du résultat final.
 
Par Yann ESSABE
 
Les paris sont ouverts. Le grand synode de l’Église évangélique du Gabon(EEG), qui se tiendra du 21 au 31 juillet 2022, est l’instance qui scellera la fin du mandat de l’actuelle présidence de l’EEG détenue par l’Ogooué-Ivindo et dirigée par le pasteur Augustin Bouegone, qui laissera sa place, selon un système rotatoire en vigueur tous les quatre ans, au Woleu-Ntem, sauf  le Ntem (Bitam). L’Église évangélique, deuxième communauté chrétienne après les catholiques, regroupe  des milliers de fidèles dans les provinces qui concentrent le plus grand nombre d’habitants. Notamment, l’Estuaire, le Woleu-Ntem, l’Ogooué-Ivindo, le Moyen-Ogooué et l’Ogooué-Maritime. Mais, bien plus, l’Eglise évangélique est constituée en majorité (plus de 85%) de fidèles issus du groupe ethnolinguistique fang, un vivier électoral aussi pour les élections politiques.

Ainsi, au-delà des aspects purement religieux, l’élection du président de l’EEG se couvre aussi des aspérités géopolitiques et géostratégiques voire, géoethniques. D’où l’immixtion du politique et des lobbies qui cherchent à en avoir le contrôle. En effet, nul n’a été étonné de voir le Premier ministre Rose Christiane Ossouka Raponda recevoir, il y a quelques jours, les deux principaux candidats, à savoir : Clément Obame Mezui, qui a déjà occupé cette fonction, et  Louis Sylvain Allogo Ango, tous les  deux, natifs du Canton Nye.

L’objectif de cette rencontre qui a finalement accouché de plusieurs souris, était de trouver un compromis en fusionnant les deux candidatures. In fine chacun est resté campé sur sa candidature, estimant être le mieux placé. La présence marquée de René Ndemezo’Obiang à cette rencontre, est un message subliminal du choix de Bitam sur Louis Sylvain Allogo Ango. Car, si le choix du collège des fidèles est libre, dans les faits, le pouvoir aura un candidat et devra s’assurer de sa victoire.

Pour conforter cette volonté, d’aucuns parlent d’appuis financiers via les cadres et/ou ministres de la province du candidat voire, au-delà. Cette intrusion, même si elle a le don d’agacer, a son effet le jour du vote. Ainsi, un branlebas des ministres (Guy Patrick Obiang Ndong, Charles Mve Ella et Francis Nkea), cadres de la haute administration, parlementaires du Woleu-Ntem, est perceptible depuis plusieurs semaines. De même, un puissant lobby qui, dit-on, fait souvent pencher le vote à chaque élection, s’active. Détenteur de moyens financiers colossaux, c’est vers cette nébuleuse que certains candidats obtiennent des prêts d’argent pour battre campagne.

Selon les initiés des arcanes de l’EEG, cette nébuleuse se choisit aussi un candidat et lui déroule le tapis financier. Le vote du président se jouant parfois aux kilos des portefeuilles des candidats. Cette élection est particulière parce qu’elle se tient à quelques mois de la présidentielle de 2023. Le futur président de l’EEG devra aussi gérer la cagnotte remise aux leaders des confessions religieuses au nom de leur communauté. A la présidentielle de 2005, les protestants avaient eu le jackpot. On parle d’espèces sonnantes et trébuchantes ainsi que des véhicules rutilants de type 4x4 offerts aux responsables des Régions synodales et autres pasteurs responsables de paroisses.

Cette surabondance matérielle a son revers aujourd’hui : la course effrénée à l’enrichissement des pasteurs-présidents et des atteintes graves aux mœurs (polygamie, multiplication des maitresses, pratiques magiques, etc.). L’arrestation récente du président de l’EEG sortant Augustin Bouengone et d’autres comparses pour cause de détournement des subventions allouées par l’Etat pour le compte de l’Enseignement privé protestant, illustre ces dérives. Et c’est peu dire. Tout comme le recours, si l’on en croit la rumeur publique, lors de l’élection du président de l’EEG, aux expédients mystiques et ésotériques.

On parle de nganga, de prêtres vaudou venus du Benin et logés à grands frais dans les hôtels de la place pendant la durée du synode, de  langue scarifiée et de toge (du candidat) emmitouflée d’un serpent la nuit précédant le vote et portée le jour J. Des nombreuses anecdotes qui meublent la colline de Baraka, il y a celles sur ce  candidat qui, n’ayant pas respecté ses engagements vis-à-vis des génies une fois élu, a développé des crises de folie. Ou de cette maîtresse (amante) attitrée qui a vu son soupirant-candidat être élu mais rejetée après la victoire de ce dernier. Courroucée, elle va menacer de tout dévoiler aux fidèles, les pratiques peu orthodoxes (les pythons) utilisées par l’élu. En réponse à ce chantage payant, elle bénéficiera de postes juteux à l’origine, aujourd’hui, d’un important parc immobilier. Que dire aussi…